La tour de Babel de Bruegel
Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit : Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons ! Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres. »
Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la Terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma t-on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la Terre et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la face de la Terre. »
Genèse, XI, 1-9.
Ce texte biblique raconte donc comment les descendants de
Noé, qui parlent une seule langue, essaient de construire
une tour assez haute pour toucher le ciel.
En punition de leur vanité, les hommes perdent la possibilité
de se comprendre et sont dispersés.
C’est donc là que se trouverait l’origine
de la diversité des langues.
Le mythe de la tour de Babel est donc étroitement lié à celui de l’Arche de Noé et du Déluge.
Histoire et mythe
Il y a environ 5 500 ans, le long des rives de la Mésopotamie, des cités-Etats émergent. Les Mésopotamiens nous ont laissé le premier système d’écriture et leurs impressionnantes ziggourats.
Une ziggourat est une structure de pierre, semblable à
une pyramide, parfois haute de 100 mètres.
Elle est faite de plates-formes superposées de dimensions
décroissantes. Chaque ziggourat est dédiée
à un dieu local. Elle est surmontée d’un
temple qui sert de lieu de passage à ce dieu lors de
ses voyages sur Terre.
Ce qui est surprenant, c’est qu’il existe des
ziggourats et des pyramides dans le monde entier. Certaines
sont positionnées, au millimètre près,
de la même manière.
Il est difficile d’y voir un simple hasard.
Ziggourat d'Our en Irak
Comme il est dit dans le récit biblique, les ziggourats étaient construites en brique.
La plus grande ziggourat est sans conteste celle qui se trouve
à Babylone, sur les rives de l’Euphrate.
Cette tour s’appelle Etemenanki « la demeure du
ciel et de la terre ». Elle a très certainement
servi de modèle à la tour biblique.
La tour de Babel et Babylone
Dans l’Irak actuel, à Babylone, on a retrouvé un immense mur de briques crues, seul vestige de la tour de Babel.
Jusqu’au début du 20e siècle, tout ce que l’on savait de Babylone provenait des écrits de l’historien grec Hérodote (v.484-v.420 avant notre ère) et des récits bibliques.
En 1899, des archéologues allemands entreprirent la
première exploration poussée de Babylone. Les
fouilles se poursuivirent jusqu’en 1917. Mais, beaucoup
plus récemment, Saddam Hussein avait décidé
de restaurer Babylone et sa tour.
La guerre d’Irak a stoppé ce projet colossal.
La porte d'Ishtar
Babylone « La Porte du dieu » était le centre du culte du dieu Mardouk. Les vestiges de la cité, encore visibles, datent du roi Nabuchodonosor II (604-562 avant notre ère), qui avait entreprit une vaste reconstruction.
Enceinte extérieure longue d'environ 18 km (à l'origine) qui protégeait Babylone (Capture d'écran du documentaire diffusé sur Arte)
Le récit de la bible est conforme aux découvertes
archéologiques. La tour de Babel a bien été
édifiée en briques cuites, solidarisées
par du bitume.
Cette tour avait été érigée bien
avant le règne de Nabuchodonosor II. Elle reposait
sur une base carrée et mesurait 91 mètres de
haut.
Elle dominait la cité de ses sept étages couronnés
par un temple dédié au dieu Mardouk.
Guerriers qui décorent la porte d'Ishtar.
Les preuves archéologiques et les textes suggèrent que la plupart des ziggourats étaient peintes dans des teintes magnifiques, et abondamment décorées de tuiles émaillées et de sculptures dorées.
Porte d'Ishtar.
Une inscription babylonienne affirme que la ziggourat d’Etemenanki était en « briques cuites émaillées d’un bleu resplendissant ».
Grandeur et décadence de la tour de Babylone
A l’époque de son édification, cette
ziggourat est l’un des plus grands monuments que l’homme
ait jamais érigés.
Les fouilles ont permis de reconstituer sa splendeur.
Reconstruite à plusieurs reprises, elle connaît
son apogée sous Nabuchodonosor II. Au sommet de la
ziggourat, le dieu Mardouk était représenté
par une statue recouverte d’or et qui pesait 22 tonnes.
Mardouk était devenu le dieu principal de la Mésopotamie.
Reconstitution de la voie sacrée. (Capture d'écran du documentaire diffusé sur Arte)
Après la conquête perse, la tour est laissée à l’abandon. Quand il visite les ruines, en 331 avant notre ère, Alexandre le Grand, décide de redonner à la ziggourat son faste d’antan. Mais, 10 000 hommes suffisent à peine pour dégager le terrain en 2 mois.
Alexandre abandonne alors son projet.
Malheureusement, cette merveille a succombé aux ravages du temps et au pillage. Il n’en reste aujourd’hui que l’empreinte de l’énorme base carrée.
Babylone à l’origine de toutes les langues ?
Il existe environ 5 000 langues différentes aujourd’hui
dans le monde. Il y a entre 50 et 200 souches sans rapport
entre elles.
Les chercheurs ont daté la langue indo-européenne,
la plus connue, à environ 3 000 ans avant notre ère.
Cela se situe donc à peu près au moment des
évènements de Babel. Après, c’est
le flou le plus complet.
Nous savons beaucoup de choses sur les langues indo-européennes mais nous sommes très ignorants sur la langue mère.
Un humain sur deux environ parle une langue indo-européenne. Cette unité linguistique est toute relative car si la souche est la même, le russe ou l’arménien est tout aussi incompréhensible pour un Français, que le basque ou le hongrois, langues non indo-européennes.
. Tablette du roi de Babylone Hammourabi
Si l’on prend l’exemple des langues indo-européennes,
cela voudrait dire que toutes ces langues sont issues de l’évolution
d’une seule langue plus ancienne.
Cette langue originale aurait donc été parlée
il y a plusieurs millénaires, à une époque
où l’écriture n’était pas
née.
Des peuples d’origines diverses, donc de langues différentes,
ont travaillé à la construction de la tour de
Babel.
Une inscription de Nabuchodonosor en atteste : »Tous
les peuples de nations nombreuses (…) je (les) contraignis
au travail. »
Cette diversité ethnique n’a pas empêché
l’achèvement de la tour.
Tablette gravée en écriture cunéiforme provenant de la cité de Babylone.
Les cérémonies liées au culte de Mardouk
font appel à des textes dans différentes langues
régionales. Pour les visiteurs, la tour de Babylone
devait représenter le foyer et la source d’une
multitude de langages.
C’est peut-être là l’origine du mythe
que nous a transmis la Bible.
Mais, peut-être également, ce récit exprime t-il la nostalgie d’un Âge d’or où tous les hommes parlaient le même langage ? Nul ne sait si ce rêve de compréhension et de paix a réellement existé.